TRAGÉDIE. 55ï
Je verrai le témoin de ma flamme adultère ;•
Oblerver de quel front j'ofe aborder ion père ,
Le cœur gros de fcnipirs qu'il n'a point écoutés ,
L'œil humide de pleurs par l'ingrat rebutés.
Penfes-tu que, fcnfible à l'honneur de Théfée ,
Il lui cache l'ardeur dont je fuis embrafée i
I.aiflera-t-il trahir ôc fon père & fon roi î
Pourra-t-il contenir l'horreur qu'il a pour moi ?
Il fc tairoit en vain. Je fais mes perfidies ,
(Knone , & ne fuis point de ces femmes hardies ,
Qui , goûtant dans le crime une tranquille paix ,
Ont fu fe faire un front qui ne rougit jamais.
Je connois mes fureurs , je les rappelle toutes.
Il me femble déjà que ces murs, que ces voûtes
Vont prendre la parole , &, prêts à m'accufer ,
Attendent mon époux pour le défabufer.
Mourons. De tant d'horreurs qu'un trépas me délivrer
Elt-ce un malheur fi grand que de cefler de vivre ?
La mort aux malheureux ne caufe point d'effroi.
Je ne crains que le nom que je laiflè après moi.
Pour mes triftes enfans quel affreux héritage î
Le fang de Jupiter doit enfler leur courage.
Mais , quelque jufte orgueil qir'infpire un fang fi beau.
Le crime d'une mère eft un'pcfant fardeau.
Je tremble qu'un difcours , hélas , trop véritable ,
Un jour ne leur reproche une mère coupable 1
Je tremble qu'opprimés de ce poids odieux ,
L'un ni l'autre jamais n'ofe lever les yeux,
(S N G N E.
Il n'en faut point douter, je les plains l'un & l'autre, Jamais crainte ne fut plus juftc que la votre. Mais à de tels affronts pourquoi les expofer ? Pourquoi contre vous-même allez-vous dépcfcr î C'en eft fait» On dira que Phèdre, trop coupable, De fon époux trahi fuit râCpcCt redoutable» Hippolyte eft heureux qu'aux dépends de vos jours, Vous-mciiie, en expirant, appuyiez fes difcours.
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