Portant juſqu’au tombeau le nom de ſon amant,
Mon regne ne ſera qu’un long banniſſement.
Si le ciel, non content de me l’avoir ravie,
Veut encor m’affliger par une longue vie,
Vous, que l’amitié ſeule attache ſur ſes pas,
Prince, dans ſon malheur ne l’abandonnez pas.
Que l’Orient vous voie arriver à ſa ſuite ;
Que ce ſoit un triomphe, & non pas une fuite.
Qu’une amitié ſi belle ait d’éternels liens ;
Que mon nom ſoit toujours dans tous vos entretiens.
Pour rendre vos états plus voiſins l’un de l’autre,
L’Euphrate bornera ſon empire & le vôtre.
Je ſais que le ſénat, tout plein de votre nom,
D’une commune voix confirmera ce don.
Je joins la Cilicie à votre Comagène.
Adieu. Ne quittez point ma princeſſe, ma reine,
Tout ce qui de mon cœur fut l’unique déſir,
Tout ce que j’aimerai juſqu’au dernier ſoupir.
Scène II.
Ainsi le Ciel s’apprête à vous rendre juſtice.
Vous partirez, Seigneur, mais avec Bérénice.
Loin de vous la ravir, on va vous la livrer.
Arſace, laiſſe-moi le temps de reſpirer.
Ce changement eſt grand, ma ſurpriſe eſt extrême.
Titus, entre mes mains, remet tout ce qu’il aime !
Dois-je croire, Grands Dieux ! ce que je viens d’ouïr ?
Et quand je le croirois, dois-je m’en réjouir ?
Mais moi-même, Seigneur, que faut-il que je croie ?
Quel obſtacle nouveau s’oppoſe à votre joie ?