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Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/50

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Antiochus

De moi, Prince ? Oui, Madame.

Bérénice

De moi, Prince ? Oui, Madame. Et qu’a-t-il pû vous dire ?

Antiochus

Mille autres, mieux que moi, pourront vous en inſtruire.

Bérénice

Quoi, Seigneur ;…

Antiochus

Quoi, Seigneur ;… Suſpendez votre reſſentiment.
D’autres, loin de ſe taire en ce même moment,
Triompheroient peut-être, &, pleins de confiance,
Céderoient avec joie à votre impatience.
Mais moi, toujours tremblant, moi, vous le ſavez bien,
À qui votre repos eſt plus cher que le mien,
Pour ne le point troubler, j’aime mieux vous déplaire,
Et crains votre douleur plus que votre colère.
Avant la fin du jour vous me juſtifierez.
Adieu, Madame.

Bérénice

Adieu, Madame. Ô ciel ! quel diſcours ! Demeurez,
Prince, c’eſt trop cacher mon trouble à votre vûe.
Vous voyez devant vous une reine éperdue,
Qui, la mort dans le ſein, vous demande deux mots.
Vous craignez, dites-vous, de troubler mon repos ;
Et vos refus cruels, loin d’épargner ma peine,
Excitent ma douleur, ma colère, ma haine.
Seigneur, ſi mon repos vous eſt ſi précieux,
Si moi-même jamais je fus chère à vos yeux,
Éclairciſſez le trouble où vous voyez mon ame.
Que vous a dit Titus ?

Antiochus

Que vous a dit Titus ? Au nom des dieux, Madame…

Bérénice

Quoi ! vous craignez ſi peu de me déſobéir ?

Antiochus

Je n’ai qu’à vous parler pour me faire haïr.