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Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/88

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La sultane, à ce bruit feignant de s'effrayer,

Par des cris douloureux eut soin de l'appuyer.

Sur la foi de ses pleurs ses esclaves tremblèrent;

De l'heureux Bajazet les gardes se troublèrent,

Et les dons achevant d'ébranler leur devoir,

Leurs captifs dans ce trouble osèrent s'entrevoir.

Roxane vit le prince; elle ne put lui taire

L'ordre dont elle seule était dépositaire.

Bajazet est aimable; il vit que son salut

Dépendait de lui plaire, et bientôt il lui plut.

Tout conspirait pour lui. Ses soins, sa complaisance,

Ce secret découvert, et cette intelligence,

Soupirs d'autant plus doux qu'il les fallait celer,

L'embarras irritant de ne s'oser parler,

Même témérité, périls, craintes communes,

Lièrent pour jamais leurs cœurs et leurs fortunes.

Ceux mêmes dont les yeux les devaient éclairer

Sortis de leur devoir, n'osèrent y rentrer.

Osmin

Quoi? Roxane d'abord leur découvrant son âme,

Osa-t-elle à leurs yeux faire éclater sa flamme?

Acomat

Ils l'ignorent encore, et jusques à ce jour,

Atalide a prêté son nom à cet amour.

Du père d'Amurat Atalide est la nièce,

Et même avec ses fils partageant sa tendresse,

Elle a vu son enfance élevée avec eux.

Du prince en apparence elle reçoit les vœux,

Mais elle les reçoit pour les rendre à Roxane,

Et veut bien sous son nom qu'il aime la sultane.

Cependant, cher Osmin, pour s'appuyer de moi,

L'un et l'autre ont promis Atalide à ma foi.

Osmin

Quoi? vous l'aimez, Seigneur?

Acomat

Voudrais-tu qu'à mon âge

Je fisse de l'amour le vil apprentissage?