14,6 PLAN D'IPHIGÉNIE.
de votre fonge.Et ce n'eft pas auflî ce que je crains : mais je crains avec raifon qu'il n'y ait de grands mal- heurs dans ma famille. Les rois font fujcts à de grands changcmcns. Ah , fi je t'avois perdu , mon cher frère Orefte , fur qui feul j'ai fondé mes efpéranccs ! Car en- fin j'ai plus de fujet de t'aimer que tout le refte de ma famille. Tu ne fus point coupable dç ce facrifice où mon père m'avoit condamnée dans l'Aulidc, Tu étois un enfant de dix ans. Tu as été élevé avec moi, & tu es le feul de toute la Grèce que je regrette tous les jours. Mais , Madame , quelle apparence qu'il fâche l'état où vous êtes ? Vous êtes dans une ifle dcteftée de tout le monde : fi le hafard y amène quelque Grec , on le fa^ ^crifie. Que ne renoncez-vous à la Grèce î Que ne ré- pondez-vous à l'amour jdu prince ? Eh que me ferviroic de m'y attacher ? Son père Thoas lui défend de m'ai- mer ; il ne me parle qu'en tremblant ; car ils ignorent tous deux ma naiflance , & je n'ai garde de leur décou- vrir une chofe qu'ils ne croiroient pas. Car quelle appa. rence qu'une fille que des pirates ont enlevée dans le mo- ment qu'on l'alloit facrificr pour le falut de la Grèce , fut la fille du général de la Grèce ! Mais voici ce prince. Scène II. Qu*avcz-vous , prince ? D'où vient ce défordre & fctte émotion ? Madame , je fuis caufe du plus grand malheur du monde. Vous favez combien j'ai détefté avec vous les facrificcs de cette ifle ; je me réjouiflbis de ce que vous feriez aujourd'hui difpenfée de cette fu- selle pccuparion , & cependant je fuis caufe que vous
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