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PROLOGUE.

La discorde en fureur frémit de toutes parts.
Tout semble abandonner tes sacrés étendarts.
Et l'enfer couvrant tout de ses vapeurs funèbres ;
Sur les yeux les plus saints a jetté ses ténèbres.
Lui seul invariable, & fondé sur la foi,
Ne cherche, ne regarde, & n'écoute que toi ;
Et bravant du démon l'impuissant artifice,
De la religion soutient tout l'édifice.
Grand Dieu, juge ta cause, & déploie aujourd'hui
Ce bras, ce même bras, qui combattoit pour lui,
Lorsque des nations à sa perte animées,
Le Rhin vit tant de fois disperser les armées.
Des mêmes ennemis je reconnois l'orgueil.
Ils viennent se briser contre le même écueil.
Déjà, rompant par-tout leurs plus fermes barrières,
Du débris de leurs forts il couvre ses frontières.
Tu lui donnes un fils prompt à le seconder,
Qui fait combattre, plaire, obéir, commander ;
Un fils qui, comme lui, suivi de la victoire,
Semble, à gagner son cœur, borner toute sa gloire ;
Un fils à tous ses vœux avec amour soumis,
L'éternel désespoir de tous ses ennemis :
Pareil à ces esprits que ta justice envoie,
Quand son roi lui dit, pars, il s'élance avec joie,
Du tonnerre vengeur s'en va tout embraser.
Et tranquille à ses pieds revient le deposer.
Mais, tandis qu'un grand roi venge ainsi mes injures.
Vous qui goûtez ici des délices si pures,
S'il permet à son cœur un moment de repos,
A vos jeux innocens appellez ce héros.
Retracez-lui d'Esther l'histoire glorieuse,
Et sur l'impiété la foi victorieuse.
Et vous, qui vous plaisez aux folles passions.
Qu'allument dans vos cœurs les vaines fictions,
Profanes amateurs de spectacles frivoles,
Dont l'oreille s'ennuie au son de mes paroles,
Fuyez de mes plaisirs la sainte austérité.
Tout respire ici Dieu, la paix, la vérité.