Page:Radcliffe - Le confessionnal des pénitents noirs, 1916.djvu/53

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officiers, etc. Après l’accomplissement de quelques autres formalités, le tribunal donna ordre à Ansaldo de rapporter les particularités de la confession qu’il avait reçue le 25 avril 1752. Après avoir prêté le serment de dire la vérité, il fit la déposition suivante, que le greffier écrivit à mesure qu’il parlait :

— C’était la veille de la Saint-Marc, dit le pénitencier. J’étais dans le confessionnal de San-Marco, lorsque j’entendis à ma gauche de profonds gémissemens poussés par un pénitent. J’encourageai celui-ci : mais le péché semblait trop énorme pour pouvoir sortir de son sein. Un instant il sortit du confessionnal et marcha pour calmer son agitation. C’est alors que je le vis. Il était vêtu en moine blanc. Quand il revint à mes pieds, il me fit le récit que je vais vous répéter :

J’ai été toute ma vie, me dit-il l’esclave de mes passions, et elles m’ont conduit aux pires excès. J’avais un frère, ce frère avait une femme, une femme belle. Je l’aimais, elle était vertueuse et je désespérai. Oh ! mon père, continua-t-il avec un accent effrayant, avez-vous jamais connu les fureurs et le délire du désespoir ? Le mien enflamma toutes les passions de mon âme et les aiguillonna par des tortures atroces, dont je résolus de me délivrer à tout prix… Mon frère mourut… de ma main, oui, de ma main. C’est moi qui ai été son meurtrier. Je fis en sorte qu’il mourut loin de chez lui, afin que sa veuve n’eut aucun soupçon. À peine le temps de son deuil expiré, je demandai sa main ; mais elle gardait un tendre souvenir à mon frère et elle me repoussa. Qu’importe ? Ma passion voulait être assouvie. Je l’enlevai de chez elle ; alors redoutant un scandale, elle se décida à m’épouser pour sauver son honneur et celui de sa petite fille. Mais cette femme, dont la possession me coûtait si cher, ne daignait même pas me cacher son mépris. Irrité, j’en vins à supposer qu’un autre attachement était la cause de son aversion pour moi. Je remar-