Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les porteurs s’arrêtèrent pour reprendre haleine, et les voyageurs s’assirent sur la pointe d’un rocher. Montoni et Cavigni renouvelèrent une dispute, sur le passage d’Annibal à travers les Alpes ; Montoni prétendoit qu’il étoit entré par le Mont-Cénis, et Cavigni soutenoit que c’étoit par le Mont Saint-Bernard ; cette contestation présenta à l’imagination d’Emilie, tout ce qu’il avoit dû souffrir dans cette hardie et périlleuse aventure. Elle voyoit ses vastes armées se glissant dans les défilés, et gravissant des pointes de rochers : la nuit, ces montagnes étoient brillantes de feux, ou éclairées de flambeaux, que le général faisoit allumer en poursuivant son infatigable marche ; elle voyoit resplendir les armes dans l’obscurité profonde des nuits ; elle voyoit scintiller les casques et les hausse-cols ; elle voyoit flotter les bannières sur les voiles du crépuscule. De temps à autre, le son d’une trompette éloignée faisoit retentir les échos d’un vallon, et ce signal étoit répondu par le frappement subit de toutes les armes ; elle voyoit avec horreur les montagnards postés sur les plus hauts, escarpemens, assaillir les troupes avec des masses de roche ; les soldats et les éléphans tomboient au fond des précipices. Elle écou-