Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/139

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douces qu’elles étoient sérieuses ; le calme de la mer, sur laquelle elle voguoit, les images qui venoient s’y peindre, un nouveau ciel, des étoiles répétées dans les flots, l’esquisse rembrunie des tours et des portiques, le silence enfin de cette heure avancée, qu’interrompoit seulement le battement d’une vague et les sons imparfaits d’une musique éloignée, tout élevoit ses pensées. Des larmes s’échappoient de ses yeux ; les rayons de la lune qui prenoient plus de force à mesure que les ombres s’étendoient, jetoient alors sur elle leur éclat argentin. À demi couverte d’un voile noir, sa figure en recevoit une inimitable douceur.

Le comte Morano, assis près d’Emilie, et qui l’avoit considérée en silence, prit tout-à-coup son luth, il en toucha les cordes en chantant d’une voix flatteuse un rondeau plein de mélancolie.

Quand il eut fini, il donna le luth à Emilie. En s’accompagnant sur cet instrument, elle chanta une petite romance, puis une chanson populaire de son pays, avec beaucoup de goût et de simplicité ; mais ce chant qu’elle aimoit, ramena vivement son imagination à des souvenirs affligeans : alors sa voix tremblante expira sur ses lèvres, et les cordes du luth ne résonnèrent plus