Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/144

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Montoni revint tard ; il étoit en fureur : il avoit fait une perte considérable ; avant de se coucher il voulut entretenir particulièrement Cavigni, et l’air de ce dernier fit assez voir le jour suivant que le sujet de la conférence lui avoit été peu agréable.

Madame Montoni, qui tout le jour avoit gardé le silence du mécontentement, reçut vers le soir quelques vénitiennes, dont les douces manières avoient enchanté Emilie. Ces dames avoient un grand air d’aisance, de bienveillance avec les étrangers ; il sembloit qu’elles les connussent depuis long-temps ; leur conversation étoit tour-à-tour tendre, sentimentale, sémillante. Madame Montoni même, qui n’avoit aucun attrait pour ce genre d’entretien, et dont la sécheresse et l’égoïsme contrastaient souvent à l’excès avec leur extrême politesse, madame Montoni ne put être insensible à leurs charmes.

Une dame, appelée la signora Herminie, prit un luth, et se mit à chanter avec autant de gaîté et de facilité que si elle eut été seule. Sa voix étoit d’une extrême étendue et d’une flexibilité prodigieuse. Elle paroissoit en ignorer les avantages, et ne songer à rien moins qu’à s’en prévaloir ; elle chantoit, parce qu’elle étoit contente. Son voile retomboit