Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/205

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et Emilie demanda la raison d’un si brusque départ. Sa tante parut l’ignorer aussi bien qu’elle, et n’entreprendre ce voyage qu’avec une répugnance extrême.

La famille s’embarqua enfin ; mais ni le comte Morano ni Cavigni ne partirent. Emilie se ranima par cette remarque. Au moment où les gondoliers frappèrent les flots avec leurs rames, elle se sentit comme un criminel à qui l’on accorde un court répit. Son cœur s’allégea encore, lorsqu’elle entra du grand canal dans la mer, et elle fut sur-tout soulagée quand elle eut tourné les murs de Saint-Marc sans arrêter pour prendre le comte.

L’aube commençoit à peine à éclairer l’horizon et à blanchir les rivages de la mer Adriatique. Emilie n’osoit faire aucune question à Montoni, qui resta quelque temps dans un sombre silence, et s’enveloppa ensuite de son manteau, comme s’il avoit voulu dormir. Madame Montoni en fit autant. Emilie, qui ne pouvoit dormir, leva un des rideaux de la gondole, et se mit à considérer la mer. L’aurore éclairoit par degrés les sommets des montagnes du Frioul ; mais leurs côtes et les vagues qui rouloient à leurs pieds étoient encore ensevelies dans l’ombre. Emilie, enfoncée dans une mélancolie tran-