Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T3.djvu/124

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madame, quoique, à parler bien vrai, j’aie peu de raison de l’aimer.

Ce n’est pas de ma tante, sans doute que vous parlez ainsi, reprit Emilie d’un ton grave ?

— Oui, mademoiselle ; mais je suis hors de moi. Si vous saviez tout ce que je sais, vous n’auriez pas l’air si fâché. Souvent, et très-souvent, j’ai entendu monsieur et elle qui parloient de vous marier au comte : elle lui disoit toujours de ne vous point laisser à vos ridicules fantaisies ; c’est ainsi qu’elle les appeloit ; mais d’être bien déterminé, et de vous forcer, bon gré mal gré, à obéir. Mon cœur, soyez-en sûre, en a saigné mille fois. Il me sembloit qu’étant elle-même si malheureuse, elle auroit dû compatir au malheur des autres, et…

— Je vous remercie de votre pitié, Annette, dit Emilie ; mais ma tante étoit malheureuse. Peut-être ses idées en étoient-elles troublées. Autrement, je pense je suis persuadée… Vous pouvez me laisser, Annette, mon dîner est fini.

— Vous n’avez rien mangé, mademoiselle ; essayez, prenez encore un petit morceau. Troubler ses idées ? vraiment ! Apparemment qu’elles sont toujours troublées. À Toulouse, j’ai bien entendu madame qui