commença lentement à dégarnir la table.
Est-ce donc là le prix de ma franchise, dit Emilie quand elle fut seule ? Est-ce là le traitement que je dois recevoir d’une parente, d’une tante qui devoit maintenir ma réputation, loin de la calomnier ; qui, en qualité de femme, devoit mieux respecter la délicatesse de l’honneur d’une autre femme ; qui, en qualité de parente, devoit si fort protéger le mien ? Mais proférer d’affreux mensonges sur un sujet si délicat ! payer la sincérité et, j’ose le dire, la décence de ma conduite, par de pareilles calomnies ! Il faut pour cela un point de dépravation dont je n’eusse pas cru le cœur humain capable ; et c’est une tante en qui je le trouve ! Oh ! quel contraste entre son caractère et celui de mon bien-aimé père ! L’envie, la ruse, la duplicité, forment celui de madame Montoni ; la bonté, la sagesse, la douce philosophie, distinguoient celui de mon père ! Mais oublions cela maintenant, s’il est possible, et souvenons-nous seulement qu’elle est malheureuse.
Emilie prit son voile et descendit aux remparts, la seule promenade qui lui fût permise. Elle eût bien désiré de parcourir les bois au-dessous, et sur-tout de contempler les sublimes tableaux du voisinage.