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un domestique chargé d’entretenir le château de madame Montoni. Il pouvoit donc visiter les jardins, et s’y promener des heures entières, avec une mélancolie qui n’étoit même pas sans douceur. Il revenoit sans cesse vers la terrasse et le pavillon, où la veille de son départ il avoit pris congé de la triste Emilie.

Le caractère de Montoni, tel qu’on le lui avoit dépeint, menaçoit à-la-fois son Emilie et son amour. Il se reprochoit de ne l’avoir pas pressée davantage pendant qu’il pouvoit la retenir. Il se reprochoit d’avoir fait céder l’opposition raisonnée qu’il devoit apporter au voyage, aux scrupules mal fondés, comme il les appeloit, d’une coupable délicatesse. Tous les malheurs qu’eût entraînés leur mariage, lui paroissoient bien moins terribles que ceux qu’il prévoyoit, ou même que les tourmens d’une si pénible absence.

Peu de temps après son arrivée à la maison de son frère, il reçut l’ordre de rejoindre son corps, et de se rendre à Paris. Une scène de plaisirs et de nouveautés, dont il avoit à peine l’idée, s’ouvrit à lui dans ce séjour. Mais le plaisir dégoûta, et le monde fatigua d’abord un esprit malade comme le sien. Il devint, bientôt l’objet des railleries