Montoni se servoit ordinairement de cette espèce de verres de Venise, dont la propriété connue étoit de se briser en recevant une liqueur empoisonnée. Il soupçonna qu’un de ses hôtes avoit attenté à sa vie ; il fit fermer les portes, tira son épée, et lançant des regards enflammés sur l’assemblée qui restoit dans la stupeur, il s’écria : Il y a un traître ici ! que tous ceux qui sont innocens m’aident à trouver le coupable.
L’indignation s’empara de tous les cavaliers ; ils tirèrent tous l’épée. Madame Montoni vouloit fuir ; son mari lui commanda de rester ; mais ce qu’il ajouta ne fut point entendu, à cause du tumulte et des cris. Alors tous les domestiques se rendirent à son ordre, et déclarèrent leur ignorance. Cette protestation ne pouvoit être admise ; il étoit évident que la liqueur de Montoni avoit été seule empoisonnée ; il falloit bien que du moins le sommelier fût de connivence.
Cet homme, avec un autre, dont la physionomie trahissoit la conviction du crime ou la crainte du châtiment, fut chargé de chaînes par ordre de Montoni, et traîné dans une tour qui, autrefois, avoit servi de prison. Il eût traité de même tous ses hôtes, s’il n’eût redouté les conséquences d’une