Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T3.djvu/197

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Emilie ; de grâce, Annette, n’abusez pas ainsi de ma patience.

— Oui, mademoiselle, devinez, devinez qui c’étoit ; c’est une personne que vous connoissez bien.

— Je ne sais pas deviner, dit Emilie avec impatience.

— Eh bien ! mademoiselle, je vous mettrai sur la voie. Un grand homme, une face alongée, qui marche posément, qui porte un grand plumet sur son chapeau, qui baisse les yeux pendant qu’on lui parle, et regarde les gens par-dessous des sourcils si noirs et si épais. Vous l’avez vu mille fois à Venise, mademoiselle ; il étoit intime ami de monsieur. Et maintenant, quand j’y pense ! de quoi avoit-il peur dans ce vieux château sauvage, pour s’y enfermer comme il faisoit ? Mais il prend le large à présent : je l’ai trouvé tout-à-l’heure sur le rempart. Je tremblois en le voyant, il m’a toujours fait de la frayeur ; mais je n’aurois pas voulu qu’il le remarquât. J’ai donc été vers lui, je lui ai fait la révérence. Soyez le bienvenu au château, signor Orsino, lui ai-je dit !

— Ah ! c’étoit donc Orsino ? dit Emilie.

— Oui, mademoiselle, le signor Orsino lui-même, celui qui a fait tuer ce seigneur