Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T3.djvu/212

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à son avarice. Quand elle se représentoit l’atroce physionomie du gardien de madame Montoni, elle croyoit son arrêt scellé, et Bernardin portoit sur lui tout l’extérieur d’un assassin : quand elle pensoit à cela, il lui sembloit qu’il n’étoit point d’actes barbares que cet homme ne pût consommer. Ces pensées lui rappelèrent l’air avec lequel il lui avoit promis qu’elle pourroit voir la prisonnière : elle se trouva long-temps abîmée dans un doute affreux ; elle hésitoit parfois à se confier à lui à l’heure silencieuse qu’il avoit choisie. Il lui revint mille fois à la pensée que madame Montoni pouvoit bien être déjà morte, et que le scélérat ne vouloit que l’attirer en secret pour faire d’elle une nouvelle victime, qu’il étoit peut-être chargé d’immoler à l’avarice de Montoni, qui à ce moyen se trouveroit propriétaire de ses biens de Languedoc qui avoient fait le sujet d’une si odieuse contestation. L’énormité de ce double crime lui en fit, à la fin, rejeter la probabilité ; mais elle ne perdit ni toutes les craintes, ni tous les doutes que les manières de Bernardin faisoient naître dans son esprit : de ce sujet, successivement ses pensées retournèrent à d’autres. La nuit étoit fort avancée ; elle s’étonna, elle s’affligea presque de