Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T3.djvu/59

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— C’est vrai, dit Emilie ; mais cela prouve-t-il qu’un fantôme le garde ?

— Quoi ! si je vous montre le canon, ma chère demoiselle, vous ne croirez rien ?

— Non, rien probablement sur ce sujet, que ce que je verrois moi-même, dit Emilie.

— Eh bien ! mademoiselle, vous le verrez, si vous voulez seulement approcher de la fenêtre.

Emilie ne put s’empêcher de rire, et Annette parut étonnée.

Appercevant son extrême facilité à croire le merveilleux, Emilie crut devoir s’abstenir de lui parler du sujet dont elle s’étoit proposé de l’entretenir. Elle craignit de la faire succomber à tant de terreurs idéales. Elle lui parla d’un objet plus gai : les regattes de Venise.

— Oui, mademoiselle, lui dit Annette, ces flambeaux tournans et les belles nuits au clair de lune, voilà tout ce qu’il y a de beau à Venise ; la lune, soyez-en sûre, est plus belle là que par-tout ailleurs. On entend une si douce musique ; Ludovico chantoit si souvent, si souvent auprès de ma jalousie, sous le portique du couchant ; mademoiselle, ce fut Ludovico qui me parla de ce tableau que vous aviez tant d’envie de voir hier.