Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T3.djvu/69

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— Qui donc tout-à-l’heure étoit avec votre maîtresse, dit Emilie qui oublioit sa prudence ordinaire ?

— Personne, je crois, mademoiselle, reprit Annette. Personne, je pense, n’a été avec elle depuis que je vous ai laissée.

Emilie n’en parla plus, et après avoir lutté pendant un moment contre ses craintes imaginaires, sa bonté l’emporta, et elle laissa partir Annette. Elle resta seule, songeant à sa situation et à celle de madame Montoni : ses yeux enfin s’arrêtèrent sur le portrait qu’après la mort de son père elle avoit trouvé dans les papiers qu’il lui avoit ordonné de brûler. Il étoit sur sa table avec quelques dessins qu’Emilie, peu d’heures auparavant, avoit tirés d’une petite boîte : cette vue la ramena à de tristes réflexions, mais l’expression touchante de ce portrait en adoucissoit l’amertume : c’étoit la même physionomie que celle de son père ; elle crut trouver du rapport dans ses traits, et cette idée le lui fit regarder avec attendrissement ; mais la tranquillité de sa rêverie fut tout-à-coup troublée par le souvenir des mots du manuscrit qu’elle avoit trouvé avec cette miniature, et qui dans ce temps l’avoient remplie d’incertitude et d’horreur. Elle sortit enfin de ses profondes ré-