Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T4.djvu/121

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L’horreur d’Emilie, à cette conversation, fut encore augmentée par le soupçon qu’elle étoit dirigée contre elle, et que ces hommes avoient l’ordre de Montoni pour exercer sur elle une semblable espèce de justice.

— Mais je parlois du signor Orsino, reprit Bertrand. Il est un de ceux qui aiment à se faire justice tout d’un coup. Je me souviens qu’il y a environ dix ans, il eut une querelle avec un cavalier de Milan. L’histoire m’a été dite, et je l’ai encore toute fraîche. Ils se querellèrent pour une dame que le signor aimoit. Elle avoit la malice de préférer un Milanais ; elle porta le caprice jusqu’à en faire son mari. Cette conduite piqua le signor autant qu’il étoit possible. Il avoit essayé long-temps de lui faire entendre raison. Il envoyoit la nuit des sérénades sous sa fenêtre. Il faisoit des vers pour elle. Il protestoit qu’elle étoit la plus belle de Milan. Tout cela ne fit rien, et ne la mit point à la raison. Comme je disois, elle finit par aller si loin, qu’elle épousa cet autre cavalier. Signor Orsino se sentit enflammé de colère ; il résolut de se venger, et attendit une occasion. Cela ne fut pas long. Après le mariage, les époux se mirent en route pour Padoue, ne s’attendant pas, j’en jurerois bien, à ce qui les