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CHAPITRE IV.

Quand Montoni fut informé de la mort de son épouse, et qu’il considéra qu’elle étoit morte sans lui donner la signature qui étoit si nécessaire à l’accomplissement de ses désirs, aucun sentiment de décence n’arrêta l’expression de son ressentiment. Emilie eut grand soin d’éviter sa présence, et durant deux jours et deux nuits elle veilla presque constamment le corps de sa malheureuse tante. Son cœur, profondément touché du destin de ce triste objet, oublioit toutes ses fautes, ses injustices, et la dureté de sa domination ; elle ne se rappeloit que ses souffrances, et ne pensoit à elle qu’avec une tendre pitié. Cependant elle rêvoit parfois à l’étrange aveuglement devenu si fatal à sa tante, et qui l’enveloppoit elle-même dans un labyrinthe d’infortunes, dont elle ne découvroit aucun moyen de s’échapper. Avoir épousé Montoni ! Mais quand elle méditoit sur une telle circonstance, c’étoit avec chagrin et non avec colère ; elle la plaignoit et ne lui reprochoit rien.

Ses pratiques pieuses ne furent nullement troublées par Montoni : il évitoit la chambre où l’on gardoit les restes de son épouse, et