Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T4.djvu/66

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tableau étoit tel, que le sombre pinceau du Dominicain même n’eût pas dédaigné de le saisir. Les traits farouches, le costume bizarre de ces Condottieri penchés avec leurs torches sur le tombeau où le cercueil étoit descendu ; la figure vénérable du moine, enveloppé de longues draperies blanches, et dont le capuchon, rejeté par derrière, faisoit ressortir une figure pâle, où l’éclat des flambeaux laissoit voir l’affliction adoucie par la pitié, et quelques cheveux blancs échappés au ravage du temps ; l’attitude touchante d’Emilie, appuyée sur Annette, à moitié détournée, le visage à demi-couvert d’un voile ; la douceur, la beauté de ses traits, sa douleur trop accablante qui ne pouvoit verser des larmes, en confiant à la terre la dernière parente qu’elle eût encore ; les reflets de lumière sous les voûtes, l’inégalité du terrain, qui récemment avoit reçu d’autres corps, l’obscurité générale du lieu de la scène : tant de circonstances réunies auroient entraîné l’imagination d’un spectateur à quelqu’événement plus horrible peut-être que l’enterrement de l’insensée et malheureuse madame Montoni.

Quand le service fut fini, le Père regarda Emilie avec attention et surprise ; il parois-