Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T5.djvu/141

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Tout étoit si tranquille, si sombre autour de moi, que je croyois presque la voir telle que je l’ai vue sur son lit de mort.

Emilie rapprocha sa chaise. Dorothée continua. — Il y a maintenant environ vingt ans que madame la marquise arriva dans ce château. Hélas ! je m’en souviens bien. Qu’elle étoit belle quand elle parut dans la grande salle, où nous autres domestiques nous étions tous rassemblés pour la recevoir ! Combien M. le marquis paroissoit heureux ! Ah ! qui alors eût pu le penser ! Mais, que dis-je ? mademoiselle, il me sembla que la marquise avec ses doux regards avoit le cœur triste. Je le dis à mon mari. Il me dit que c’étoit une idée chimérique. Je ne lui en parlai plus, et je gardai pour moi mes observations. Madame la marquise étoit à-peu-près de votre âge ; et, comme je l’ai souvent remarqué, elle vous ressembloit beaucoup. M. le marquis tint fort long-temps maison ouverte, et donna des repas si nombreux, que jamais depuis le château n’a été si brillant. J’étois plus jeune, mademoiselle, que je ne le suis à présent ; j’étois tout aussi gaie qu’une autre. Je dansois, je m’en souviens, avec Philippe le sommelier ; j’avois une robe à fleurs, des rubans jaunes, et un bonnet, non pas comme on les porte à pré-