Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T5.djvu/26

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et je vous vis sans oser vous parler. Je saluai de la main, vous disparûtes. J’oubliai ma prudence ; je poussai une plainte. Vous revîntes, vous parlâtes. J’entendis les accens de votre voix. Ma discrétion m’auroit abandonnée ; mais j’entendis une sentinelle, je me retirai promptement, et cet homme m’avoit vu. Il me suivit ; il alloit me joindre, si un stratagème ridicule n’eût en ce moment fait ma sûreté. Je connoissois la superstition de ces gens-là ; je poussai un cri lugubre, dans l’espérance qu’on cesseroit de me poursuivre. Heureusement je réussis. L’homme étoit sujet à se trouver mal ; la frayeur que je lui fis lui procura un de ces accès, ce qui assura ma retraite. Le sentiment du danger que j’avois couru, et que le doublement des gardes, à cette occasion, rendoit plus grand, me détourna d’errer encore sur la terrasse. Mais, dans le silence des nuits, je m’amusois d’un vieux luth que m’avoit procuré le soldat ; je l’accompagnois de ma voix, et quelquefois, je l’avouerai, j’avois l’espoir d’être entendu par vous. Il y a bien peu de soirées que cet espoir fut accompli. Je crus entendre une voix qui m’appeloit ; je craignis de répondre, à cause de la sentinelle. Avois-je raison, madame, de me le per-