Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T6.djvu/124

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Sur le soir, Emilie s’achemina seule vers la chaumière avec de noirs pressentimens. L’heure, déjà avancée, aidoit à sa mélancolie. On étoit à la fin de l’automne, une brume épaisse cachoit en partie les montagnes, et le vent froid, qui souffloit entre les hêtres, jonchoit le chemin de leurs dernières feuilles jaunes. Leur chute, présage de la fin de l’année, étoit l’image de la désolation de son cœur ; elle sembloit lui prédire la mort de Valancourt : elle en eut plusieurs fois un pressentiment si violent, qu’elle fut au moment de retourner chez elle. Elle ne se trouvoit pas assez de force pour aller chercher cette affreuse certitude ; mais elle lutta contre son émotion, et continua sa route.

Elle marchoit tristement, et ses yeux suivoient le mouvement des masses vaporeuses qui s’étendoient à l’horizon ; elle considéroit les fugitives hirondelles : jouets de l’agitation des vents, tantôt disparoissant dans les nuages, tantôt voltigeant en cercles sur les airs plus tranquilles, elles sembloient représenter les afflictions et les vicissitudes qu’avoit essuyées Emilie. Elle avoit subi les caprices de la fortune et les orages du malheur ; elle avoit eu de courts instans de calme. Mais pouvoit-on donner