Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T6.djvu/187

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fut tout à la fois un exemple de son humanité et de sa témérité ; il risqua, dans une maison de jeu, la presque totalité de l’argent que lui avoit envoyé son frère, et cela dans l’unique espoir de rendre aux vœux de sa famille le malheureux ami qu’il avoit laissé en prison. La fortune le seconda ; il prit ce moment, et fit le vœu solennel de ne jamais céder davantage aux appâts de ce vice destructeur.

Après avoir rendu le vénérable M. de Bonnac à sa famille reconnoissante, Valancourt s’étoit empressé d’aller à Estuvière. Dans le ravissement où il étoit d’avoir rendu le bonheur à des infortunés, il oublia ses maux. Bientôt pourtant il se souvint qu’il avoit perdu sa fortune, sans laquelle il ne pouvoit se flatter d’épouser jamais Emilie. La vie, sans elle, lui paroissoit insupportable. Sa bonté, sa délicatesse, la simplicité de son cœur, rendoient encore sa beauté plus enchanteresse. L’expérience lui avoit appris à évaluer des qualités qu’il avoit toujours admirées, mais que le contraste du monde lui faisoit alors adorer. Ces réflexions augmentèrent ses remords et ses regrets ; il tomba dans un abattement que la présence même d’Emilie ne put distraire, et il se trouvoit indigne d’elle. Jamais cependant Va-