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Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T6.djvu/94

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voient en face d’un escarpement qui sembloit interdire le passage. Blanche sauta de sa mule ; le comte et Sainte-Foix en firent autant. Les guides s’éloignèrent pour découvrir un pont qui pût les conduire à l’autre rive ; ils confessèrent enfin ce que le comte soupçonnoit déjà, c’est qu’ils avoient long-temps douté de leur chemin, et qu’alors ils l’avoient perdu.

On trouva assez près un passage dangereux formé par un énorme sapin, qui, jeté sur le ravin, unissoit les deux rives du précipice. Quelque chasseur, sans doute, l’avoit ainsi posé pour faciliter la poursuite d’un chamois ou d’un loup. Toute la troupe, faute de guide, frémit à la pensée de traverser un pareil pont. Les deux côtés n’avoient point de parapets ; la chute ici étoit la mort. Les muletiers néanmoins se disposoient à pousser leurs mules. Blanche tremblante sur le bord, écoutoit le murmure des eaux qu’on voyoit se précipiter des rocs au-dessus, au milieu des plus hauts sapins ; elles s’abîmoient ensuite à une telle profondeur, que leur écume blanchie étoit à peine frappée des rayons de la lune. Les pauvres mules avancèrent sur le pont avec la précaution de l’instinct. Le bruit de la cataracte ne les effrayoit point, et l’ombre que le feuillage