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LE BAL DU COMTE D’ORGEL

de cette injustice : il était, lui, formidable. Il ne voulut jamais quitter son château de Colomer, en Champagne. « Je ne crois pas aux obus », criait-il à son cocher auquel il commandait d’atteler pour la promenade quotidienne. Aux sentinelles lui demandant le mot d’ordre il répondait : « Je suis M. d’Orgel. »

Incapable de reconnaître les grades, il disait « Monsieur l’Officier » à tout soldat pourvu de galon, qu’il fût sergent ou colonel. On se vengea par mille farces. Sous prétexte que la Patrie avait besoin de pigeons voyageurs, les officiers, ses hôtes, réquisitionnèrent les pigeons du colombier qui, le soir même, relevaient le menu de la popote. M. d’Orgel l’apprit. À partir de ce jour, il répéta : « Je ne sais ce que vaut Monsieur Joffre, mais ses gens sont des escrocs. »

Peu après la disparition des pigeons, sous prétexte que leur tourelle gênait le tir, et que M. d’Orgel y pouvait faire des signaux, ordre fut donné

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