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LE BAL DU COMTE D’ORGEL

commun, sans le corser d’un petit rire, ou le précéder d’une respiration. Il prouvait par là qu’il n’était pas crédule.

Ne pas vouloir être dupe, c’était la maladie de Paul Robin. C’est la maladie du siècle. Elle peut parfois pousser jusqu’à duper les autres.

Tout organe se développe ou s’atrophie en raison de son activité. À force de se méfier de son cœur, il n’en possédait plus beaucoup. Il croyait s’aguerrir, se bronzer, il se détruisait. Se trompant complètement sur le but à atteindre, ce suicide lent était ce qu’il goûtait le plus en lui-même. Il croyait que ce serait mieux vivre. Mais on n’a encore trouvé qu’un seul moyen d’empêcher son cœur de battre, c’est la mort.

Ce fut donc flanqué de guillemets que Paul prononça son « monsieur d’Orgel ».

Anne reprit l’appareil. La curiosité de Paul ne pouvait attendre l’heure du

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