Page:Radiguet - Le Diable au corps, Grasset, 1923.djvu/19

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d’en vouloir à la guerre, ils la trouvaient longue. Elle leur supprimait le bord de la mer. Habitués à se lever tard, il leur fallait acheter les journaux à six heures. Pauvre distraction ! Mais vers le vingt août, ces jeunes monstres reprennent espoir. Au lieu de quitter la table où les grandes personnes s’attardent, ils y restent pour entendre mon père parler de départ. Sans doute n’y aurait-il plus de moyens de transport. Il faudrait voyager très loin à bicyclette. Mes frères plaisantent ma petite sœur. Les roues de sa bicyclette ont à peine quarante centimètres de diamètre : « On te laissera seule sur la route. » Ma sœur sanglote. Mais quel entrain pour astiquer les machines ! Plus de paresse. Ils proposent de réparer la mienne. Ils se lèvent dès l’aube pour connaître les nouvelles. Tandis que chacun s’étonne, je découvre enfin les mobiles de ce patriotisme : un voyage à bicyclette ! jusqu’à la mer ! et une mer plus loin,