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Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/41

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faisait ressortir encore davantage les ailes brunes de ses cheveux ouverts en bandeaux, et ses sourcils prononcés, dont le velours noir se fondait vers les tempes en vagues tons bleuâtres. Un regard plein de douloureuse langueur sortait de ses longs yeux, qui, demi-voilés par la frange épaisse et foncée des cils, s’épanouissaient parfois tout grands et comme illuminés d’ardeurs fiévreuses ou passionnées, pour s’éteindre bientôt dans leur habituelle expression de mortel accablement. Quels souvenirs amers, quels désirs impossibles, quels pressentiments funestes inquiétaient cette pauvre âme ? Nous ne le saurions dire ; mais, au moment où s’élevaient dans notre cœur toutes sortes de souhaits pour l’allégement de sa peine mystérieuse, quel qu’en fût le motif, la perche centrale du bûcher craqua, rongée par le milieu, abattit aux pieds de l’inconnue son extrémité fleurie, et demeura, comme un trait d’union, entre elle et nous. L’esprit de la flamme répondait-il à nos sympathiques élans ? ne conduisait-il pas vers celle qui en était l’objet des vœux dont la réalisation semblait assurée par les promesses de bonheur que renferme le bouquet de la Saint-Jean ?


(Illustration, — 24 juin 1854.)