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Page:Radiguet - Souvenirs de l’Amérique espagnole, 1856.djvu/25

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Valparaiso n’était qu’une misérable bourgade à l’époque où l’art espagnol couvrait de chefs-d’œuvre la métropole et ses colonies. Il ne faut donc point chercher des merveilles d’architecture dans cette ville improvisée en quelque sorte par le commerce. Presque tous les édifices religieux datent d’hier ; un goût mesquin s’y révèle, et l’intérieur est très-pauvrement orné. L’église paroissiale de Notre-Dame, située sur une hauteur du Puerto, est néanmoins d’un style supportable ; le clocher de bois, dont les trois étages, posés sur de légères colonnettes, vont se rétrécissant vers le faîte, ne manque pas d’une certaine élégance. L’entrepôt des douanes est aussi surmonté d’une tour octogone ou mirador qui, de loin, le fait ressembler à une église. Cet édifice, bâti dans de vastes proportions, est bien placé et parfaitement approprié à son usage.

C’est dans l’Almendral, c’est sur le marché d’Orégo qu’on rencontre les campagnards des environs de Valparaiso. Un règlement de police interdit en effet l’entrée du Puerto à leurs lourds véhicules. Les vendeurs, abrités par une natte que soutiennent des piquets, étalent sur un tapis des fruits et différents comestibles. Ce sont des melons, moins sucrés que les nôtres, des sandias, sorte de melons d’eau verts au dehors, sanglants à l’intérieur, et si appréciés des habitants, qu’ils en mangent deux ou trois dans une journée ; enfin les oranges, les raisins, les pommes et surtout les fraises, qui semblent être là dans leur vraie patrie. Parmi les mets nationaux, on remarque le maïs cuit, écrasé et sucré avec du miel, nourriture rafraîchissante et purgative, en grand usage surtout durant l’été ; la charquican, viande séchée au soleil, hachée menu et mélangée avec de la graisse, de l’aji et de l’oignon ; la casuela, ragoût de poulet assaisonné aussi avec force aji et oignon. — L’aji, cet enragé piment, se glisse partout ; quand on a la bouche à l’épreuve de ce condiment énergique, on peut sans