L’aînée, Elisabeth, trop difficile dans sa jeunesse, ne trouve plus de prétendants, mais fait honneur à son père par l’élégance de ses manières et l’aristocratie de ses traits. La seconde, Mary, a épousé Mr. Charles Musgrove, fils aîné d’un riche propriétaire. Si Mr. Charles Musgrove n’est qu’un simple bourgeois, sa fortune permet au moins à Sir Walter de parler de son gendre sans humiliation. Sa troisième fille, Anne, a été très jolie quelques années auparavant, mais sa beauté s’est rapidement évanouie. Alors qu’elle était dans tout son éclat, son père a montré peu d’admiration pour la douceur de grands yeux noirs et pour une délicatesse de traits trop différents des siens ; et maintenant, il ne trouve plus rien dans la figure fanée et amaigrie de sa fille qui puisse mériter son estime. « Il n’a jamais eu beaucoup d’espoir, et n’en a plus aucun, de lui voir faire un mariage flatteur pour son amour propre ». « Avec toute sa finesse d’esprit et son affabilité, Anne ne compte pour rien auprès de son père et sa sœur, sa parole n’a pas de poids, elle cède toujours, elle n’est qu’Anne ».
L’amiral Croft, en s’installant dans la propriété de Sir Walter, amène avec lui son beau-frère, le capitaine Wentworth, qui a déjà habité la région, et dont Sir Walter daigne à peine se souvenir. Son nom fait plus d’effet sur Anne. Il y a sept ans, alors qu’il était un tout jeune officier de marine sans fortune, il l’a demandée en mariage, et elle l’aimait. Repoussé brutalement par Sir Walter, il avait alors prié Anne de se fiancer en attendant qu’il ait gagné une situation ; il se sentait sûr de lui, de son énergie, du succès, et dans quelques années, riche et glorieux, il reviendrait l’épouser. Mais Anne, habituée à se soumettre, avait refusé de prendre en secret un engagement que son père réprouvait, que ses amies déconseillaient, et il était paru sans espoir de retour. Depuis lors, elle a suivi avidement sur les gazettes la carrière du jeune officier ; elle l’a vu monter rapidement