Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/142

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nous avertit que son vice n’est « qu’une économie exagérée, nécessitée d’abord par la prudence, et qui a grandi, est devenu une passion, comme un objet d’amour indispensable à une femme sans enfants. Si elle avait eu des enfants, Mrs. Norris n’aurait peut-être jamais songé à épargner ». Alors, elle ne semble plus si anormale, et on comprend comment ce cœur s’est desséché.

Mais il n’est pas nécessaire d’avoir une famille pour rester tendre et bonne. Miss Bates [1] en est une preuve. L’excellente demoiselle n’a jamais pu « se vanter de sa beauté ou de son esprit. Sa jeunesse a passée inaperçue, son âge mûr est dévoué à une mère invalide et au problème de faire durer un petit revenu aussi longtemps que possible. Et cependant elle est heureuse, et personne ne parle d’elle qu’avec sympathie ». Il est vrai que si elle a conservé une bienveillance pleine de candeur enfantine, son intelligence ne s’est guère développée dans son existence de vieille fille. Elle est « si niaise, si satisfaite de tout, si souriante, si prosaïque, si peu distinguée, si grande parleuse sur de petites matières, si prodigue de triviales confidences et de bavardages innocents ! » Sa conversation ennuie tous ses amis, qui l’ont entendue répéter mille fois les mêmes choses avec une telle volubilité que le soufle lui manque ; mais comme elle nous amuse, nous, qui n’en goûtons que les plus savoureux échantillons !

Mrs. Palmer [2] cause un peu moins que Miss Bates, mais son caquetage est aussi délicieusement insignifiant. Son mari ne daigne plus y prêter la moindre attention. Cette indifférence méprisante, loin de l’offenser, la divertit. « Mr. Palmer ne m’entend pas », s’exclame-t-elle ravie, « il ne m’écoute jamais. Il est si drôle », et elle

  1. Emma.
  2. Raison et Sensibilité.