Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/144

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e amusée.

John Thorpe [1] est au contraire un parfait chenapan. Voilà son portrait : « C’était un jeune homme gros, de taille moyenne. Avec une face commune et des formes disgracieuses, il semblait craindre de paraître trop bel homme s’il n’était pas habillé comme un groom, trop bien élevé s’il n’était pas familier quand il devait être respectueux, et impudent quand il lui était permis d’être familier. » Il ne sait parler que chevaux pur sang et demi sang, voitures et records de vitesse. Nous le rencontrons encore tous les jours, il nous harcèle avec les exploits, non plus de son cheval, mais de sa quarante chevaux : c’est notre jeune propriétaire d’automobile avec ses fabuleuses additions de kilomètres. Il est furieux qu’on suppose qu’il puisse aller à une allure raisonnable :

— « Regardez mon cheval, Miss Morland ! Avez-vous jamais vu un cheval de course pareil ! Et un vrai pur sang ! Trois heures et demie pour faire seulement quarante kilomètres ? allons donc ! regardez-moi l’animal, et croyez votre frère si vous le pouvez ! Regardez-moi sa tête, regardez-moi ses reins, examinez ses mouvements ; ce cheval ne peut pas faire moins de vingt kilomètres à l’heure. Vous auriez beau lui lier les jambes, il les ferait quand même ».


Par extraordinaire il n’a pas émaillé son discours de jurons ; il ne s’en prive pas d’habitude. Il ment a jet continu, sans finesse, mais avec tant d’assurance qu il déconcerte ses interlocuteurs. Souvent il finit par croire lui-même ses hâbleries ; quelquefois même, il y croit avant les autres, mystifié par sa propre imagination. Il aime la vie large, les cartes, le bon vin ; et, pour s’assurer tout cela, il court les dots, gonflant la fortune, vantant la famille de l’héritière convoitée, tant qu’il la croit riche et bien disposée en sa faveur ; puis, en faisant une pauvresse et dénigrant ses parents, dès qu’il reconnaît s’être

  1. L’Abbaye de Northanger.