Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/165

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es, que lui imposait le testament de mon père. Vous ne pouvez pas vous faire une idée comme elle trouvait cela désagréable. Il fallait, verser l’argent deux fois par an ; et encore il fallait prendre la peine de le leur faire parvenir. Puis on entendait dire que l’un d’eux était mort ; et, quand on se renseignait, on apprenait toujours que c’était une fausse nouvelle. Ma mère en était écœurée. Elle disait qu’elle n’était plus la maîtresse de ses revenus avec ces prélèvements perpétuels. Elle trouvait que mon père avait très mal agi ; car autrement, elle aurait disposé de sa fortune sans aucune restriction. Cela m’a tellement dégoûtée des annuités que pour rien au monde je ne voudrais m’engager à en payer une ».

— « C’est certainement très désagréable », répondit Mr. Dashwood « de se voir ainsi soutirer perpétuellement l’argent de ses revenus. Notre fortune n’est plus à nous, comme le disait justement votre mère. Être obligé au paiement régulier d’une telle somme à chaque échéance n’a rien de plaisant. On cesse d’être indépendant ».

— « Évidemment ; et après tout, personne ne vous en sait gré. Ils savent qu’ils toucheront sûrement leur argent ; vous ne faites pas plus qu’ils n’attendent, et ils ne vous en ont aucune reconnaissance. Si j’étais à votre place, ce que je ferais, je le ferais quand et autant qu’il me plairait. Je ne voudrais pas être lié. Cela peut être très gênant certaines années de réduire nos dépenses de deux mille ou même de mille francs ».

— « Vous avez raison, ma chérie. Il faut mieux ne pas lui faire de rente. Ce que je pourrai leur offrir de temps en temps leur sera plus utile qu’une annuité. Si elles se sentaient un plus large revenu, elles dépenseraient davantage et n’en seraient pas plus riches à la fin de l’année. Un billet de mille de temps en temps les aidera mieux, et la promesse faite à mon père sera largement remplie » [1].

Et Mr. Dashwood en arrive à décider qu’il se contentera d’aider la veuve et ses trois filles dans leur déménagement ; car, suivant le raisonnement de sa femme, ou

  1. Raison et Sensibilité.