Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/194

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ce moment les romans de Jane eussent été assurés d’un complet échec. Mr. Austen ayant négligé de joindre le manuscrit à sa proposition, on ne peut même pas en déduire l’opinion personnelle de l’éditeur ; et l’erreur de celui de Bath, gardant L’Abbaye de Northanger dans ses tiroirs comme une mauvaise affaire, n’est qu’un fait isolé dont il serait téméraire de tirer des conclusions. On peut admettre cependant que l’intervalle de quatorze ans qui s’écoula entre la rédaction et la publication des premiers romans de Jane Austen fut plutôt favorable à leur modeste succès. Lorsque Raison et Sensibilité et Orgueil et Préventions parurent, en 1811 et en 1813, les contes populaires de Miss Edgeworth avaient déjà accoutumé quelques personnes à la possibilité d’une littérature de fiction un peu moins fantastique que celle de Mrs. Radcliffe. Et, bien que Waverley qui, par certains côtés, s’éloignait moins du goût régnant, vint de paraître et accaparât l’attention du public, les romans de Jane Austen reçurent un accueil plutôt sympathique. Quelques voix autorisées en proclamèrent immédiatement la valeur.

Au lendemain de la publication d’Emma, un juge très compétent en donna, dans un article anonyme de la Quaterley Review, une critique fort élogieuse qui fut longtemps attribuée à l’archevêque Whateley. On sait maintenant que Walter Scott en était l’auteur ; et, ce ne fut pas de la part du grand romancier une impression passagère, car nous retrouvons dans son Journal, à la date de 1826, ces notes significatives : « Relu pour la troisième fois au moins Orgueil et Préventions de Miss Austen, ce roman si délicatement écrit. Cette jeune femme a un talent pour décrire l’évolution des sentiments et des caractères qui est le plus merveilleux que j’ai jamais rencontré. Les gros effets ronflants je peux les faire moi-même, comme presque tous les écrivains d’aujourd’hui ; mais la touche