Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/56

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du héros lui-même, qui venant de se débarrasser de ses scrupules, se mettait à sa recherche [1]. »

Jane ne s’amusait pas moins à noter les appréciations dépourvues de flatterie qu’émettaient sur ses ouvrages des connaissances encore ignorantes de la vraie personnalité de l’auteur. C’était souvent peu encourageant ; ses deux premiers volumes étaient traités de parfaites stupidités, on reprochait à Mansfield Park de manquer d’originalité, Emma était dépourvu d’intérêt, et son style pauvre. Elle n’était guère plus gâtée dans les articles de critique qui exprimaient, en général, plus d’indifférence que de sympathie. L’admiration de quelques contemporains illustres ne parvint pas jusqu’à la modeste maison de Chawton. Jane lut les louanges anonymes de la Quarterly Review, mais elle ne sut jamais qu’elles étaient de Sir Walter Scott. Elle se montra même un peu choquée que Mansfield Park y fut passé sous silence, et elle s’en plaint dans une lettre à Cassandra. C’est la seule fois qu’on peut découvrir chez elle une trace d’amour-propre d’auteur. En général, elle se montre naïvement satisfaite des appréciations favorables, et ne laisse paraître aucune amertume des critiques injustes.

Jamais femme ne fut moins bas-bleu. On raconte que Mme de Staël, de passage à Londres, ayant manifesté le désir de connaître Jane Austen, ses hôtes prièrent « l’auteur d’Orgueil et Préventions de se rencontrer chez eux avec l’auteur de Corinne » . Jane aurait répondu que Miss Austen ne pouvait se rendre à une invitation ne s’adressant qu’à « l’auteur d’Orgueil et Préventions ». Si l’anecdote est d’une authenticité douteuse, la réponse qu’on prête à Jane Austen montre tout au moins l’idée que son entourage se faisait de son caractère et de son indifférence pour la popularité. Elle avait horreur de la curiosité des snobs pour l’écrivain en vogue : « Si je suis un animal

  1. A memoir of Jane Austen, by J.-E. Austen-Leigh.