Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/68

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restent dans l’ombre, malgré les nouveaux documents apportés en 1913 par le livre de MM. W. et R.-A. Austen-Leigh.

En 1884, l’un de ses petits-neveux. Lord Brabourne, a publié deux volumes de lettres, adressées la plupart à Cassandra Austen. Ce ne sont guère que des papotages de jeunes femmes sur leur entourage, et elles n’offrent rien de remarquable au point de vue des idées ou du style. Cela tient peut-être à ce que Cassandra avait détruit toutes celles qui contenaient des appréciations trop vives de leurs connaissances ou des épanchements trop intimes. En effet, quelques lettres écrites à de jeunes nièces pour guider leurs débuts de romancières ou pour les éclairer de son expérience de psychologue sur leurs véritables sentiments vis-à-vis de leur fiancé, sont plus substancielles, pleines de verve, animées d’un brio qui fait songer à Mme de Sévigné, comme celle-ci :


Vous êtes inimitable, irrésistible. Vous êtes les délices de

ma vie. Quelles lettres, quelles lettres divertissantes vous m’avez envoyées dernièrement ! Quelle description de votre étrange petit cœur ! Quel charmant étalage de tout ce qu’édifie votre imagination ! Vous valez votre poids d’or ou même de la nouvelle monnaie d’argent. Je ne puis vous exprimer tout ce que j’ai éprouvé en lisant votre histoire de vous-même ; combien j’ai été remplie de pitié et d’inquiétude, d’admiration et d’amusement. Vous êtes le paragon de tout ce qui est niais et sensé, banal et excentrique, triste et enjoué, irritant et intéressant. Comment rester insensible aux fluctuations de votre fantaisie, aux caprices de votre goût, aux contradictions de vos sentiments ? Vous êtes si singulière, et en même temps si naturelle ! d’une telle personnalité, et cependant si pareille à tout le monde ! C’est très, très précieux pour moi de vous connaître si intimement. Vous pouvez à peine deviner quel plaisir me procurent ces peintures si vraies de votre cœur. Oh ! quelle perte quand vous serez mariée ! Vous êtes trop charmante comme jeune fille, trop charmante comme nièce. Je vous