Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


CHAPITRE II


ANALYSE DES ROMANS


« Trois ou quatre familles dans un petit village sont ce qu’il y a de plus intéressant à étudier. J’espère que vous allez écrire davantage, et tirer parti d’un groupement aussi favorable [1] ». Dans ce conseil à une jeune nièce qui faisait son début dans les lettres, Jane Austen nous livre le secret de sa supériorité : limiter sa peinture au petit cercle de gens qui l’entoure, auquel elle appartient, dans lequel elle a vécu, aimé, souffert. Elle ne nous décrit que ce qu’elle connaît bien : sa classe sociale, son milieu provincial. Elle n’a pas la prétention d’interpréter l’âme des différents peuples, les sentiments des différentes castes, le langage des différents métiers. Elle se contente de nous donner une représentation minutieuse de la vie bourgeoise dans une petite ville d’Angleterre, et des menus drames qui l’égaient ou la déchirent.

Dans toutes les réunions de la bourgeoisie anglaise d’alors, comme dans celles de la bourgeoisie française d’aujourd’hui, le fond de presque toutes les conversations était le beau mariage, qui ne représentait pour les mères et les tantes qu’une alliance avec une famille riche, pourvue de hautes relations, tandis que les jeunes filles voulaient y mêler un peu d’amour. C’est pour les conduire à ce beau mariage, que la petite bourgeoise Jane Austen promène ses héroïnes dans toutes les menues

  1. Letters of Jane Austen, edited by Lord Brabourne.