Cela ne va pas si vite avec Elisabeth. Celle-ci se trouve folle d’espérer une nouvelle demande ; et le souvenir du brutal refus qu’il a essuyé à Rosings rend Darcy hésitant. Les deux amoureux risqueraient de rester dans cette situation toute leur vie, si Lady Catherine de Bourgh ne veillait sur l’avenir de sa fille. Elle ne veut pas se laisser arracher un gendre aussi avantageux, et elle vient naïvement exiger d’Elisabeth la promesse de repousser Darcy, en la menaçant de ne jamais la recevoir si elle l’épouse. Son ton autoritaire n’effraie guère la jeune fille, toute ravie d’apprendre que Darcy songe toujours à elle. Furieuse de n’avoir pas obtenu satisfaction, Lady Catherine s’attaque directement à son neveu, lui laisse deviner sa visite à Meryton et son insuccès ; Darcy sait alors qu’il peut parler sans crainte, qu’il ne sera pas éconduit ; et il accourt à Meryton pour demander la main d’Elisabeth.
Heureuse Mrs. Bennet ! la voilà débarrassée de trois de ses filles. C’est avec une fierté ravie qu’elle rend visite à Mrs. Bingley et qu’elle parle de Mrs. Darcy. Sa troisième fille a épousé un chenapan, mais cela n’a pas d’importance ; elle a trois filles mariées, et les autres mères de Meryton enragent.
Cet exposé rapide, cette sorte de squelette du premier roman de Jane Austen, ne nous montre que bien imparfaitement la vraisemblance et la logique avec laquelle une simple impression s’y développe en sympathie, en reconnaissance, en affection, en amour. Nous n’avons pu que signaler quelques-uns des principaux maillons de la chaîne. Entre les épisodes caractéristiques s’intercalent une quantité de petits faits, qui forment liaison, préparent un événement plus important, précisent un détail de caractère. Il y a parfaite continuité dans le développement de l’action et de l’émotion. Chacun des soixante et un chapitres de ce court roman est la narration d’un petit incident vulgaire, médiocre en lui-même, bal, partie de campagne, réception bourgeoise, conversation cent fois entendue, qui