Page:Raguey - Le Buste voilé, Roman complet no 19, 1916.djvu/71

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Après ce récit, que je n’avais cessé d’écouter avec le plus vif intérêt et la plus profonde émotion, Carlo Rinaldi alla tirer le voile qui couvrait le buste, que je n’avais fait qu’entrevoir, et me le montrant avec enthousiasme, il me dit :

— La voilà cette Pia Toscanelli, qui a été mon seul amour, mon bonheur ! La voilà cette angélique Fornarina, plus belle et plus pure que celle de Raphaël Sanzio ! Dites-moi si vous ne retrouvez pas en elle la femme dont je viens de vous raconter les vertus et la triste destinée ? Pour moi, elle vit, elle me regarde, elle me sourit ; je la vois tout entière. Oui, mon ami, c’est mon chef-d’œuvre ; car j’y ai mis toute mon âme ; je m’y suis épuisé. Après elle, je ne suis plus rien. Aussi tout est fini. Je veux me reposer, la lassitude m’accable. Je ne veux plus vivre que de souvenirs ; j’ai vécu ma vie.

— À vingt-cinq ans, parler ainsi ! Mais c’est de la folie.

— La folie, reprit-il, c’est de ne pas voir que, malgré mes vingt-cinq ans, je suis plus vieux qu’un vieillard. Les hommes vraiment jeunes sont ceux qui ont encore un désir, une ambition à satisfaire ; c’est cela qui les pousse, qui les soutient, qui les rend forts. Avec Pia