Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol1.djvu/105

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mettent à leurs fils aînés le royaume, sans partage ; mais à leurs frères, jamais ! C’est là une chose incontestable. Que suit-il de là ? C’est que ton fils sera dépouillé à perpétuité des honneurs, privé du plaisir, comme un orphelin sans appui, et déchu à jamais de l’hérédité royale. Je suis accourue ici, conduite par ton intérêt ; mais tu ne m’as point comprise, toi, qui veux me donner un cadeau quand je t’annonce l’agrandissement de ton ennemie ! Car, une chose immanquable ! Râma, une fois qu’il aura ceint le diadème, Râma, débarrassant le chemin de cette gênante épine, enverra Bharata en exil, ou, ce qui est plus sûr, à la mort.

« Enivrée de ta beauté, tu as toujours, dans ton orgueil, dédaigné la mère de Râma, épouse comme toi du même époux ; comment ne ferait-elle pas tomber maintenant le poids de sa haine sur toi ! »

À ces mots de la suivante, Kêkéyî poussa un soupir et répondit ces paroles : « Tu me dis la vérité, Mantharâ ; je connais ton dévouement sans égal pour moi. Mais je ne vois aucun moyen par lequel on puisse faire obtenir de force à mon fils ce trône de son père et de ses aïeux. »

À ces paroles de sa maîtresse, la bossue, poursuivant son dessein criminel, délibéra dans son esprit un instant et lui tint ce langage : « Si tu veux, je t’aurai bientôt mis ce Râma dans un bois, et je ferai même donner l’onction royale à Bharata. »

À ces mots de la Mantharâ, Kêkéyi, dans la joie de son âme, se leva un peu de sa couche mollement apprêtée et lui répondit ces paroles : « Dis-moi, ô femme d’une intelligence supérieure ; Mantharâ, dis-moi par quel moyen on pourrait élever Bharata sur le trône et jeter Râma dans une forêt ? »