Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol1.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

«  Reine, mes yeux ne voient plus ; ma mémoire elle-même vient de s’éteindre : ce sont là, noble dame, les messagers de la mort, qui hâte mon départ de cette vie. Si Râma venait me toucher, ou si j’entendais seulement sa voix, je reviendrais bientôt, je pense, à toute la vie, comme un agonisant qui aurait pu boire de l’ambroisie. Le chagrin que son absence de mes regards fit naître dans mon âme brise les éléments de ma vie, comme la grande furie des vagues rompt les arbres qui croissent sur les rivages d’un fleuve. Heureux ceux qui, le temps de son exil au milieu des forêts accompli, verront de leurs yeux Râma lui-même revenir dans Ayodhyâ, tel que Indra vient du ciel ! Ils ne seront pas des hommes, mais de vrais Dieux, ceux qui verront sa face resplendissante comme la lune en son plein, quand, à son retour des bois, il fera son entrée dans la grande cité !

«  Ô fortunés, vous, qui pourrez contempler ce visage de Râma, semblable à la reine des étoiles, ce visage pur, beau, gracieux, aux dents charmantes, aux yeux comme les pétales du lotus ! Heureux les hommes qui verront la face auguste de mon fils, dont la douce haleine est égale au parfum du lotus quand il s’épanouit dans l’automne ! »

Tandis que les souvenirs de Râma occupaient ainsi la pensée du monarque, étendu sur les tapis de sa couche, l’astre de sa vie s’inclina peu à peu vers son couchant, comme on voit la lune baisser, à la fin de la nuit, vers l’occident. « Hélas ! Râma, disait-il, mon fils ! » et tandis qu’il prononçait languissamment ces mots, le roi des hommes rendit le souffle de la vie, si difficile à quitter, souffle bien-aimé, que lui arrachait la violence du chagrin causé par l’exil de son fils. Dans le temps que l’infortuné monarque, étendu sur sa couche, se répandait en