Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol2.djvu/89

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aux ongles, dont chaque aurait pu faire un van[1] ; qu’on apporte ici des liqueurs enivrantes et beaucoup de guirlandes variées. Quand nous aurons bien dîné avec la chair humaine, nous danserons sur la place où l’on brûle les victimes ! Si elle ne veut pas faire comme il fut dit par nous, eh bien ! mettons un genou sur elle et mangeons-la de compagnie ! »

À de telles menaces, que lui jettent à l’envi ces Rakshasîs très-épouvantables, la fermeté échappe à Sîtâ, et cette femme, semblable à une fille des Dieux, se met à pleurer.

Accablée par tant d’invectives effrayantes, que vomissaient toutes ces furies hideuses, la fille du roi Djanaka versait des larmes, baignant ses larges seins avec l’eau dont ses yeux répandaient les torrents ; et, plongée dans sa triste rêverie, elle ne pouvait aborder nulle part à la fin de cette douleur. En ce moment les femmes de Râvana, qui avaient tenté Sîtâ par tous les artifices et rempli de concert les injonctions du maître avec le plus grand soin, firent silence autour d’elle.

Aux paroles des Rakshasîs, la sage Vidéhaine répondit, effrayée au plus haut point et d’une voix que ses larmes rendaient bégayante : « Il ne sied pas qu’une femme de condition humaine soit l’épouse d’un Rakshasa : mangez toutes mon corps, si vous voulez ; je ne ferai pas ce que vous dites ! »

Elle s’appuya sur une longue branche fleurie d’açoka, et là, brisée par le chagrin, l’âme en quelque sorte exhalée, elle reporta une pensée vers son époux : « Hélas ! Râma ! » s’écria-t-elle, assaillie par la douleur ; » Hâ !

  1. C’est la traduction du nom propre, Çoûrpanakhâ.