Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/499

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exprimé ainsi : « La stérilité, qui est si fréquente chez les femmes du grand monde, est extrêmement rare parmi celles d’une condition inférieure. Dans le beau sexe, le luxe qui enflamme peut-être la passion pour les jouissances, semble toujours affaiblir et souvent détruire les facultés de la génération[1]. » L’universalité de ce phénomène, dans tous les temps et tous les lieux, ne permet pas non plus de l’attribuer, comme on le fait ordinairement, à des pratiques néo-malthusiennes plus répandues qu’elles ne seraient nulle part ailleurs. On peut d’autant moins se livrer à ces conjectures que ce phénomène de l’extinction de la famille est spécial aux milieux dans lesquels le souci des traditions, des titres et du nom fait désirer le plus vivement une progéniture qui les continue.

Sur tous ces points là il faut reconnaître, après Doubleday, que Malthus était incomplet, en ne se préoccupant que de l’accroissement général d’une population et en ne pénétrant pas dans l’analyse des mouvements relatifs qui s’accomplissent au sein de cette masse.

Ce n’est pas tout. Plus optimiste et plus chrétien que Malthus, Doubleday voit dans la loi qu’il proclame une manifestation de la sagesse du Créateur, qui, par des voies naturelles et régulières, a voulu que les peuples pussent lutter contre les épreuves, se relever après les fléaux, être préservés de l’influence corruptrice de la richesse et présenter enfin, dans leur composition intérieure, un mouvement sans cesse ascendant de familles qui grandissent, qui jouissent des biens de ce monde et qui bientôt disparaissent en les abandonnant alors à d’autres familles, élevées à leur tour par le travail et les vertus domesti-

  1. Richesse des nations, 1. I, ch. viii, t. I, p. 109. — Nous avons traité cette question avec quelques détails dans deux articles sur le Renouvellement des aristocraties (voyez Revue catholique des institutions et du droit, nos d’avril et de mai 1899). Toutefois l’étude attentive de Doubleday a accentué depuis lors nos convictions sur la loi naturelle et providentielle de ce déclin et de ce renouvellement. — Voyez les citations que nous avons faites plus haut de Sismondi (supra, p. 355 et s.).