Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/509

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une anticipation générale de l’âge moyen du mariage — ce qui n’a pas lieu[1] — n’expliquerait pas ce changement, si les familles demeuraient fidèles à la loi de la vie et que les femmes vivant moralement dans l’état de mariage continuassent à enfanter aussi longtemps que la nature le leur permettrait.

On commence en France à s’alarmer sérieusement de cette situation. Quelques-uns cependant s’en réjouissent, à la pensée que les biens actuellement constitués se partageront entre moins de possesseurs, et que la génération présente portera moins lourdement le fardeau de l’éducation de la génération qui la suivra. Un philosophe de grand renom, M. Fouillée, en est encore par exemple à se préoccuper d’une « multiplication excessive de l’espèce », et il pense que certaines entraves légales au mariage ne seraient point inutiles pour cela[2]. Au moins M. Leroy-Beaulieu, longtemps trop réservé sur les causes du phénomène, a-t-il toujours été plus judicieux sur ses conséquences. Après avoir conclu, comme d’une chose « surabondamment prouvée », que « la prolificité diminue graduellement dans les peuples civilisés chez lesquels ont pénétré l’instruction, l’aisance et l’ambition démocratique », il ajoutait que cette diminution est même inquiétante », et que « l’on peut se demander si les peuples civilisés occidentaux ne pourront, pas un jour se trouver dans une situation difficile, à ce point de vue, relativement à certains peuples primitifs[3] ».

    Mais dans les naissances naturelles, les écarts d’une année à l’autre sont plus considérables en proportions, ce qui est tout naturel étant donnée la loi des grands nombres de Quetelet. Il faut même observer que les changements de proportions ne sont pas toujours la même année dans le même sens, selon que l’on y observe les naissances légitimes et les naissances hors mariage.

  1. L’âge moyen des mariages a subi plutôt des retards (voyez Paul Leroy-Beaulieu, Économiste français du 19 octobre 1895, p. 517, et Traité théorique et pratique d’économie politique, t. IV, p. 618.
  2. Fouillée, la Propriété sociale et la démocratie, 1904, pp. 81 et 91. — Voyez aussi la Viriculture de M. de Molinari.
  3. Leroy-Beaulieu, Traité d’économie politique, 2e édition, t. IV, p. 631. — Plus récemment, M. Paul Leroy-Beaulieu vient de flétrir avec une vigueur