Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/510

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Il faut un remède à cette décadence de notre nation et bientôt peut-être à ce suicide de l’humanité — de l’humanité, au moins, dans sa partie la plus instruite et la plus riche. — Mais si le mal, comme nous croyons, est d’ordre moral, nous ne croyons pas que le remède puisse être d’un autre ordre. Ni la naturalisation presque forcée des étrangers, ni les progrès de l’hygiène et de sa législation, ni les primes fiscales aux familles nombreuses, ni l’élargissement de la quotité disponible et de la liberté testamentaire, ni enfin l’amour théorique d’une patrie à ne pas laisser disparaître ne seront des moyens ou des mobiles d’une suffisante efficacité. Il faut pouvoir atteindre la volonté par la morale, et il faut savoir reconnaître que la morale, à son tour, bien loin de pouvoir être fondée sur le sentiment de l’intérêt individuel et présent, ne peut reposer que sur le culte du devoir et de Dieu. Comme nous le disions ailleurs, « une régénération de la morale publique ou privée ne peut être qu’une illusion ou un rêve, si l’on n’accepte pas une morale dont l’impératif ne puisse

    nouvelle ce fléau de la dépopulation, en se bornant, toutefois, à accuser l’amour du bien-être et « l’arrivisme » sous toutes ses formes, et sans examiner ni flétrir les procédés effectifs, et pratiques qui réalisent ces volontés. Il se contente de recommander d’une manière générale le retour aux croyances religieuses. « La civilisation démocratique — dit-il — sans le secours des vieilles traditions et des vieilles croyances, dépeuple : il faut avoir le courage de le dire, car il n’y a aucun doute à ce sujet. La France est la première nation parvenue à la conception démocratique de la vie nationale, de la vie sociale et de la vie individuelle ; c’est celle qui s’est le plus détachée des croyances anciennes ; celle qui a le plus tôt réalisé l’aisance, sinon le bien-être universel, et qui se passionne chaque jour davantage pour cette aisance et ce bien-être : de là vient qu’elle ne fait plus qu’un nombre limité, intentionnellement limité, d’enfants… Il n’est nullement téméraire de dire que tant que cette cause durera et qu’on ne s’efforcera pas de la combattre par des remèdes énergiques, quasi héroïques, cet affaiblissement de la natalité s’aggravera… La direction donnée à l’enseignement public, le mépris grossier que toutes les autorités manifestent pour les croyances et les mœurs traditionnelles, constituent pour la France un véritable suicide, un suicide qui n’a même pas pour circonstance atténuante d’être lent. Le premier remède à la dépopulation dont la France est menacée, ce serait de changer toute la direction de l’enseignement public et toute la mentalité gouvernementale. » (Paul Leroy-Beaulieu, Économiste français, n° du 5 septembre 1908, pp. 348-349.)