Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/113

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alors une grande autorité, recommande au prince, non pas de thésauriser sans fin[1], mais bien de constituer un trésor avec lequel il puisse soutenir une guerre inopinée sans qu’il soit contraint ou bien de lever des impôts de circonstance, qui rentreraient mal, ou bien d’emprunter à intérêts — car « les intérêts sont la ruine des États » — ou bien enfin d’emprunter sans intérêts, ce que Botero veut encore éviter, quoiqu’il ne juge pas le moyen trop difficile à employer[2]. Aussi, si l’on est mercantiliste, ce n’est pas que la monnaie soit la richesse par excellence : c’est tout simplement parce qu’elle en est la forme la plus facilement réalisable et qu’à cet égard on a bien vite conclu de l’économie privée à l’économie publique, pour étendre à l’État tous ces avantages que la possession de la monnaie procure aux particuliers.

À ce titre l’Italien Antonio Serra, par exemple, répondait bien à la préoccupation des gouvernements, quand il intitulait son livre : Breve trattato delle cause che possono fare abbondare li regni d’oro e d’argento dove non sono miniere[3]. Serra y soutient la supériorité des manufactures sur l’agriculture au point de vue du développement de la richesse nationale, et il oppose à l’exemple de Naples celui de Gênes, de Florence et de Venise, quoique de ces trois villes les deux premières au moins fussent déjà bien déchues.

Cette tendance à préconiser l’industrie aux dépens de

    d’argent, de manière à ne pas avoir besoin de recourir à l’emprunt, ce qui serait le dernier degré d’abaissement. — Sur les difficultés du crédit au moyen âge, voyez d’Avenel, Histoire économique de la propriété, des salaires, des denrées et de tous les prix en général, 1. I, ch. iv.

  1. Della ragione di stato, 1. VII, ch. II, 5e édition, 1608, p. 194.
  2. Ibid., ch. m, pp. 196 et 201.
  3. Antonio Serra, de Cosenza en Calabre : Bref traité des causes qui peuvent multiplier l’or et l’argent dans les royaumes qui n’ont pas de mines (1613). — Serra, qui passa presque inaperçu de son temps, fut pour ainsi dire révélé par Galiani, dans la seconde édition de son traité Della moneta, 1780. — Voir l’éloge de Serra par de Villeneuve-Bargemont, dans son Histoire de l’économie politique, t. I, pp. 395 et s., et par Cossa, Histoire des doctrines économiques, tr. fr., pp. 192-194.