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cause de la propriété, notamment quand il préconise l’impôt progressif[1]. Son défaut de sens économique se révèle surtout par son aversion contre les machines et le progrès industriel[2]. Nous ne parlons pas enfin de sa malveillance à l’égard du catholicisme et de l’Église, malveillance qu’il laisse percer en maint endroit, notamment à propos de la théologie scolastique[3], des hôpitaux et des monastères[4].

Un autre ouvrage, vraiment économique, frayant bien plus directement la voie aux physiocrates, c’est l’Essai sur la nature du commerce en général, ouvrage de Richard de Cantillon, composé probablement vers 1725 et publié seulement en 1755[5].

L’Essai sur la nature du commerce en général comprend trois parties. La première traite de la richesse ou de la production. Cantillon débute en définissant la terre comme la source ou la matière d’où l’on tire toute

    variations dans les répartitions des richesses, au sens patrimonial du mot, et non pas à une production de richesses au sens économique. De là ses axiomes sur la nécessité du luxe : « Si les riches ne dépensent pas beaucoup, les pauvres mourront de faim » (ibid.) ; et de là les lacunes qu’il présente sur l’épargne et le progrès : il ne croit ni à l’un ni à l’autre. — Sur les idées socialistes dans Montesquieu, voir le bel ouvrage de M. Lichtenberger, le Socialisme au XVIIIe siècle, 1895, pp. 84-93. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet, 1. IV, ch. III.

  1. Ibid., 1. XIII, ch. vii.
  2. Ibid., 1. XXIII, ch. xv.
  3. « Nous devons aux spéculations des scolastiques tous les malheurs qui ont accompagné la destruction du commerce » (1. XXI, ch. xx). — Voir plus haut, p. 55.
  4. Voir la fin du livre XXIII, ch. xxix.
  5. Richard de Cantillon, né vers 1680 d’une famille noble irlandaise, fut d’abord négociant à Londres, puis fonda une banque à Paris, probablement en 1716. Là il seconda les opérations de Law et spécula sur les actions de la Banque ; mais il sut liquider à temps et se retirer. Résidant d’abord en Hollande, puis à Londres, il fut assassiné dans cette ville par son domestique, en 1738. Son Essai sur la nature du commerce en général parut à Paris en 1755, sans nom d’auteur, sous la mention « traduit de l’anglais, imprimé à Londres, chez Fletcher Gyles », mais bien écrit originairement en français à ce qu’il semble. En tout cas on n’a jamais mis en doute que l’auteur fut Cantillon. Mirabeau détenait depuis seize ans le manuscrit et s’en était largement inspiré pour composer l’Ami des hommes, lorsque l’Essai parut en 1755. — Sur Cantillon, consulter Espinas, qui l’a longuement étudié dans son Histoire des doctrines économiques, pp. 177-197 ; — voir aussi la thèse de M. Robert Legrand, Richard Cantillon, Paris, 1900.